Chères amies, chers amis,
Chères sœurs et frères,
Nous voici dans la Semaine Sainte, avec à son firmament, le jour de Pâques. Difficile en ce temps particulier d’y projeter la même joie et la même espérance. Oui, cette année ne sera pas comme les autres.
Comment se réjouir lorsqu’on est confiné à domicile avec l’incapacité de retrouver nos proches ? Comment espérer en un monde meilleur face à la crise économique qui s’annonce et qui est déjà là ? Comment ne pas céder à l’angoisse devant cette maladie que nous ne savons réguler ? Comment avoir une parole d’espérance face à un deuil qui semble impossible à faire ?
Toutes ces questions, la foi ne les ôte pas d’un claquement de doigts. Et une foi qui agirait ainsi ne serait qu’illusion et négation de ce que nous sommes amenés à vivre actuellement. Non, la foi invite à un autre mouvement, à un autre regard. Et d’une certaine manière, la Semaine Sainte, la fête de Pâques même seul sur son canapé peut aider à avoir cet autre regard.
Car l’histoire de Pâques, l’histoire du Salut et de la foi sont aussi des histoires de confinement et de déconfinement. Je pense notamment au peuple hébreu qui a dû affronter l’épreuve du désert. Le Christ lui-même en a également fait l’expérience. Je pense aux prophètes qui ont tous en commun d’avoir dû quitter leur vie de tous les jours vers un avenir incertain. Je pense aussi à des témoins plus proches, comme Dietrich Bonhœffer, Martin Luther King ou encore Gandhi. Tous ont subi d’une certaine manière le confinement d’un monde rude et difficile, incertain et inégal, mais tous ont également vécu le déconfinement. Une liberté nouvelle et singulière.
Et cette histoire de confinement et de déconfinement est aussi la nôtre. Plus particulièrement aujourd’hui, mais déjà bien avant.
Ne suis-je pas confiné lorsque mon quotidien ne me laisse plus le temps de vivre ? N’est-ce pas du confinement lorsque le poids de l’âge m’ôte ma liberté de mouvement ? Le chômage ou l’acharnement au travail ? Des obligations familiales difficiles à surmonter ? Non le confinement physique imposé par la maladie qui bouleverse aujourd’hui le monde n’est pas le seul confinement.
Mais ce que nous dit l’histoire du Salut, le matin de Pâques, c’est que le déconfinement est toujours possible. Que la liberté est toujours possible. Que malgré les épreuves, l’histoire ne s’arrête pas là. La vie ne s’arrête pas là. Et la foi ne saurait être autre chose que la confiance en ce possible. La résurrection que nous prêchons le jour de Pâques n’est que le rappel qu’après le confinement des épreuves il y a le déconfinement de la vie et de l’amour toujours possible.
Dès lors, la question n’est plus tellement si un tel déconfinement est possible, car c’est ce que nous croyons et annonçons au matin de Pâques, mais quels sont les véritables confinements dans l’existence ? Quels sont les lieux, les épreuves, nos façons de vivre qui sont vécus peut-être comme des confinements, non pas parce qu’ils le sont véritablement, mais parce que nous leur laissons avoir cette place ?
De toute évidence, ces dernières semaines auront au minimum questionné ce qui est essentiel dans nos existences. Qui sont les personnes, les proches et amis, mais aussi celles et ceux qui œuvrent pour le bien de tous et quels rapports entretenons-nous à leur égard ? Oui, le déconfinement ne peut advenir qu’en ayant pris conscience des confinements que nous laissons agir dans nos vies.
Et nous y voilà plus fortement que jamais. Qu’allons-nous faire après le confinement ? Qu’allons-nous retenir de cette épreuve ? Qu’allons-nous changer dans notre rapport à l’autre et au monde ?
Des questions qu’il faut garder à l’esprit, mais qu’il convient de poser à l’aide du regard changé de la foi, à savoir celui qui porte en lui l’assurance que le matin de Pâques est vrai depuis le tout premier matin de Pâques. Un regard qui est déjà au bénéfice du déconfinement en l’amour de Dieu.
Amen.
Benjamin Buchholz
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