Matthieu 11, 25 à 30
25En ce temps-là, Jésus prit la parole et dit : « O Père, Seigneur du ciel et de la terre, je te loue d’avoir révélé aux tout-petits ce que tu as caché aux sages et aux personnes instruites. 26Oui, Père, dans ta bienveillance, tu as voulu qu’il en soit ainsi. 27Mon Père m’a remis toutes choses. Personne ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et personne ne connaît le Père si ce n’est le Fils et ceux à qui le Fils veut le révéler. 28Venez à moi vous tous qui êtes fatigués de porter un lourd fardeau et je vous donnerai le repos. 29Prenez sur vous mon joug et laissez-moi vous instruire, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour tout votre être. 30Le joug que je vous invite à prendre est bienfaisant et le fardeau que je vous propose est léger. »
Nouvelle Bible en Français Courant
Toto super chrétien ou super crétin ?
Alors c’est l’histoire de Toto !
Un jeune garçon qui a passé plusieurs semaines confiné chez lui à cause du coronavirus et qui n’a donc pas pu se rendre à l’école. Mais voilà, le jour de la rentrée est enfin arrivé. Après une première journée de classe bien remplie, il rentre chez lui bien fatigué. Sa maman lui demande alors : « Dis-moi, Toto… Tu as appris beaucoup de choses à l’école aujourd’hui ? »
Toto, complètement déprimé et dépité répond à sa maman : « Pas assez en tous cas… Ils veulent que j’y retourne demain ! »
Chers frères et sœurs,
Cette petite histoire de Toto illustre parfaitement la problématique de notre texte dans l’Évangile de Matthieu. C’est l’opposition entre les sages, ceux qui savent et qui instruisent et les tout-petits… D’un côté ceux qui possèdent la connaissance ou qui pensent la posséder, et de l’autre, ceux qui sont censés être ignorants et qui doivent apprendre.
Nous pourrions transposer cet exemple dans le domaine de la foi : est-ce que la foi est une histoire de connaissance ? Oui, est-ce que la foi, ça s’apprend ? Est-ce que le pasteur sait mieux les choses que le catéchumène ? Toto est-il si bête que ça ?
Car à lire le texte de Matthieu, ces paroles de Jésus semblent paradoxales. Comment des tout-petits peuvent-ils mieux comprendre ce qui relève de la foi que des personnes instruites et intelligentes ?
C’est bien là tout le problème auquel se confronte Jésus quelques lignes avant notre passage, face aux pharisiens qui prétendent détenir la bonne interprétation de la Bible. Et surtout une vision où il n’y a pas de place pour la grâce, mais uniquement le mérite. Qu’il soit intellectuel, héréditaire ou financier.
Et c’est justement le renversement de ce conditionnement que propose le Christ. Même le moins que rien, peut comprendre quelque chose de la foi. Et probablement que les pharisiens devaient grincer des dents en entendant ces paroles. Car un tout-petit était un moins que rien. Mais comme je le disais, la foi relève d’une autre intelligence. Elle ne s’apprend pas comme on apprendrait une leçon dans un livre, elle s’expérimente, s’accepte sans condition avec un regard neuf comme celui d’un enfant. Il faut en quelque sorte désapprendre pour accueillir la grâce qui ne relève d’aucune logique. Oui, il n’y a pas de logique dans la foi.
Toto le paresseux
Mais revenons à notre très cher Toto…
On ne sait pas comment c’est arrivé, mais il est allé au bout de ses études, et il a enfin trouvé du travail dans une entreprise de construction. Et son travail était de décharger des planches transportées dans un camion. Il y mettait tout son cœur. Mais l’observant travailler, le contremaître vient le voir et lui demande : « Dis-moi Toto… Pourquoi toi tu ne portes que deux planches à la fois, alors que tes collègues, eux en portent tous cinq en même temps ? ». Toto s’excuse alors auprès de son contremaître en répondant : « Je suis désolé, je n’y peux rien si les autres sont trop paresseux pour marcher plusieurs fois ! ».
Décidément, ce Toto a tout compris ! Et on touche ici, l’histoire de Sisyphe, ce personnage mythique qui était condamné à pousser une lourde pierre en haut d’une montagne et qui finit inexorablement par s’épuiser. Laisser retomber la pierre, et recommencer encore et encore. Mais nous ne sommes pas Sisyphe, et nous ne sommes pas condamnés. Pourquoi donc s’autocondamner ? Le faire serait refuser la grâce et vivre sans Dieu.
Toto a réussi quant à lui à trouver une astuce pour que le travail soit fait en se fatiguant moins. Oui, pour être paresseux, il faut être malin !
Mais là n’est pas question de paresse. Nous n’avons pas des planches à déplacer, bien que nous ayons tous des poids que nous traînons chacun. Mais comment portons-nous ces poids ?
Jésus n’invite pas à ne rien faire, à ne rien porter. Se dire que tout est grâce et ne pas assumer ce qui s’impose à nous est très certainement une erreur. Non, il propose une autre manière de porter ce que nous avons sur les épaules. De répartir le poids différemment. De porter avec Christ le joug qui est le nôtre. Oui, l’erreur est de croire que l’on peut ou que l’on doit tout porter soi-même avec nos seules forces. Ça, c’est l’interprétation négative du joug. Mais si vous vous rappelez de ce que c’est le joug dans l’agriculture, il en va autrement. C’est cette pièce de bois qui répartit la charge sur les épaules de deux bœufs pour qu’ils s’épuisent moins lors du travail de la terre. Pour qu’ils partagent ensemble le travail à faire.
Et l’Église, le croyant tombe bien souvent dans le piège de l’efficacité. De croire que tout repose sur elle-même et donc sur les épaules de ceux qui sont église. De faire du faire pour le faire. De croire que l’on doit s’autoréaliser. Et comme Sisyphe, à vouloir porter seul la charge, vient alors l’épuisement. On pensait que le mal du siècle était le mal de dos, il s’avère aujourd’hui que c’est le Burnout qui a pris le relais. Ce déséquilibre entre attente et réalisation. Même se reposer est devenu une contrainte et une obligation !
Mais vivre son existence avec le Christ transforme radicalement les choses. Le travail, les problèmes, tout comme le repos ont une autre saveur. Une légèreté de vie salutaire qui n’ôte certainement pas les difficultés, mais qui est partagée avec le joug bon et léger du Christ.
Toto dans la seconde histoire, a le mérite d’avoir trouvé l’équilibre et cette légèreté dans sa réalisation. Il le trouve en ne portant que deux planches au lieu de cinq. Pour le chrétien, Jésus ne propose pas de porter les planches à notre place, mais de les porter avec nous. Alors, pourquoi porter seul ce que le Christ propose de porter avec nous ?
Toto le bienheureux
Pour le chrétien, pour le croyant, la tâche la plus difficile est probablement de devoir continuellement changer son regard. De redevenir comme un tout petit et de se débarrasser des idées reçues. De confronter la logique apprise à la logique du cœur. C’est bien cela la foi et le défi permanent que cela représente. Encore une fois, nous pouvons prendre exemple sur le jeune Toto !
Lorsque Toto était tout petit, il rentra tout joyeux de l’école. À tel point que sa maman lui demanda pourquoi il était aussi heureux ! « Toto, pourquoi es-tu aussi joyeux ? ». Et lui répond fièrement : « Et bien maman, parce que j’ai eu un 18 à l’école aujourd’hui ! ». Sa maman presque au bord des larmes de joie lui demande alors dans quelle matière il a eu ce 18. Et Toto, tout fier répond : « J’ai eu 4 en français, 6 en histoire et 8 en sport ».
N’est-ce pas magnifique ? Toto sait compter !
Jésus nous invite à retrouver cette même innocence dans la foi. Peut-être était-il lui aussi nul en mat avec son addition de poissons et de pains qu’il multiplie à tout va. Il est d’ailleurs nul aussi en amour, tout comme Dieu, car tous les deux le donnent sans compter.
[…] 28Venez à moi vous tous qui êtes fatigués de porter un lourd fardeau et je vous donnerai le repos. 29 Prenez sur vous mon joug et laissez-moi vous instruire, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos pour tout votre être. 30 Le joug que je vous invite à prendre est bienfaisant et le fardeau que je vous propose est léger.
Amen.
Benjamin Buchholz
Pasteur à Ittenheim
Dimanche 21 juin 2020